5. 11/06/97

Je suis passé devant elle plusieurs fois sans vraiment la voir. Je crois que sans ce message je ne l’aurais jamais remarquée. Un peu indifférente au reste des gens qui l’entourent, elle est présente, mais à peine. Ou absente mais juste un peu. Ca dépend où on se place. Moi je suis à coté d’elle et je n’arrive pas tout à fait à faire la différence.

On évalue rarement les gens à leur juste valeur. Ca demande beaucoup de pratique. Et on est toujours dans le doute de poser un mauvais jugement. En ce qui la concerne, je ne voulais pas voir juste. Je voulais juste voir. C’est ce qui m’a perdu. Si j’avais vu, j’aurais su. Mais si j’avais su je n’aurais pas vu. Enfin j’ai pas su…

Je suis tombé dans ses yeux comme on se laisse emporter dans les bras trop tendres de ceux qui veulent nous étouffer de leur gentillesse. Ceux qui nous asphyxient à vouloir notre bien. Pour elle ce n’était pas cela. Elle ne voulait rien. Elle était là et c’était bien assez.

J’ai trop souvent hésité à approcher les femmes. Face à elle c’est facile, il n’y a pas de distance entre nous. Elle a toujours été près de moi. J’ai seulement à me retourner et elle est là. Je la vois pour la première fois seulement parce que je me retourne de ce coté pour la première fois.

Pour elle ça semble pareil. Elle reconnaît l’inconnu en moi qui l’a toujours accompagné. C’est sans être avec elle que j’ai été le plus près. Même le premier mot échangé parait coutumier :
– Tu es toujours aussi belle !
– Dans tes yeux on ne peut qu’être ce que tu désires.
– Dans mes yeux, tu n’es rien de plus que tout ce que tu peux être. Et c’est beaucoup mieux que ce que je peux imaginer.
– Tu imagines toujours trop. C’est ça qui t’éloigne de la vie.
– Si la vie est moins que ta beauté, j’aime mieux habiter en banlieue.
– On reste ici ?
– Non. Suis-moi, il y a des endroits où tu sera encore plus belle.