26. L’envol de l’âme

Pendant un instant, encore, j’ai laissé flotter autour de moi cet arôme de voltige qui me semblait appartenir à un autre monde. Ce plaisir que l’on ressent juste après l’extase qui nous laisse flotter au-dessus de tout ce qui nous entoure. Il y a des parties de mon corps qui vibraient encore. D’autres que je ne sens plus. Comme si j’avais baisé à en perdre les bras.

J’avais l’impression de porter ma tête à bout de bras. De me forcer à voir les choses, les événements du point de vue d’un autre. Je n’étais plus moi-même. Il y avait quelqu’un d’autre et moi. Je jouais à passer à lui et à moi. De sauter de lui à moi. De moi vers lui. Jusqu’au moment où il en a eu marre et que je suis demeuré lui.

Lorsqu’il a compris qu’il était moi il a soudainement pris peur. Il ne serait jamais plus lui-même. Mais c’était pas si grave. Je restais moi-même avec tout ce qu’il avait connu. Avec tout ce que je savais. Je l’ai pris gentiment par le bras et je me suis dit :
– T’est qui toi ?
– Rien de plus que toi mais ailleurs.
– Qui suis-je si tu est moi ?
– Poses pas toutes ces questions. On est ensemble, ici, et c’est l’important.
– Et on est où ?
– Tu es au bout de ton chemin et moi je t’y attends.

Lorsqu’il s’est calmé je n’ai plus rien eu à dire. Ce calme que j’avais cherché pour lui il avait déjà appris à le savourer. Comme s’il venait de trouver le calme qu’il avait toujours cherché. Je n’étais pourtant pas si loin. Il n’avait pas à faire tout ce chemin pour me rejoindre. J’ai toujours été à ses cotés. Seulement, il n’a jamais regardé vers moi. C’aurait été si facile pourtant.

Et depuis cet instant nous fumes ensemble. On était tout seul. J’étais là et c’était suffisant. Depuis longtemps je l’avais suivi. Je le voyais de si loin. Souvent avec la peur de le perdre de vue. Mais nous avons finalement su nous trouver.

Cette douceur qui nous a enveloppés alors ne s’est jamais plus évanouit. Elle était présente et n’avait jamais connu le passé. Je me suis retrouvé enfin seul dans ce plaisir. Je n’ai plus voulu m’en retirer et y suis resté avec moi et les autres. Cette douce réalité s’est étendue sur moi comme si j’étais le lit d’une rivière.

Comme si je composais chacune des pierres du fond d’un ruisseau qui ne verra jamais sa source s’assécher. Je ne su jamais où j’étais et qu’importe. Tant que je demeurait ce chemin où traînait un courant de douceur qui me faisais voyager sans jamais me déplacer.

Cet autre monde voltigeant autour de moi, était parfois immobile et c’est moi qui se baladait. J’ai fait corps avec ce monde autre que celui que je connaissais jusqu’alors. Un inconnu dans lequel j’étais plus adapté que tous les autres que j’avais connu jusqu’ici.